• Il y a quelques jours, concert privé de Sonic Youth à la maison de la radio. Ils jouent presque que des titres de leur dernier album. Dernier quart d'heure excellent: des larsens, du feedback en veux tu en voilà. Kate s'en sort très bien, elle cale ses micros entre les titres parfaitement. Elle a toutes les infos, elle n'aime pas le groupe mais en sait plus que la moitié de la salle, elle est excellente. On fume cigarettes sur cigarettes alors que c'est absolument interdit. Les guitares tournent comme lors d'un lancé de poids. Ca me rappelle que je faisais la même chose dans des champs de maïs quand j'étais enfant. Je détruisais les plans, je passais des heures à éclater les pieds des plantes. Si bien qu'un jour un paysan a téléphoné à mon père pour se plaindre. J'avais du exploser la moitié de son champ. Il faut croire que j'avais entrepris de détruire la nature. Si on veut vraiment une explication analytique la voici : je n'aimais pas habiter à la campagne. Aujourd'hui encore je répète à qui veut l'entendre que j'aimerais que la planète soit une ville. Avec de petits parc bien encadrés par le béton et le métal et le plastique et le marbre. Je dis souvent que la nature n'est pas très bien organisée, que les arbres sont là, placés n'importe comment et qu'il faudrait absolument mettre un peu d'ordre dans tous ces bosquets, toutes ces montagnes. A l'after show il y a des fraises et du champagne et du vin rouge et des enfants du groupe et des gens de maison de disque sourds et des attachées de presse fatiguées et tout le monde parle du Printemps de Bourges et des nouvelles nominations à Radio France.

    Le héros n'a pas d'emprise sur l'espace déployé autour des années qui l'accompagnent. Mais il se démarque d'une vision purement nihiliste. Il n'y a pas vraiment d'action même si il y a beaucoup de bruit. On assiste simplement au déroulé de son style de vie. Il est fier de ce style de vie et de tous les détails qui la constituent.


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  • La tournée de Phoenix (3ème album, très bon sur l'export, ventes moyennes en France) se lance ces jours ci. Le concert du Trabendo est censé être complet, c'est un évènement et tout le monde parle de cet évènement. Les Inrockuptibles sont à fond sur l'évènement. A l'intérieur, un groupe allemand propose à quelques allemands des chansons allemandes et tout le monde s'en moque, forcément, c'est la première partie. En fait le concert n'est pas complet : la jauge a été réduite pour pouvoir dire qu'il n'y a plus de billets, comme pour souhaiter bonne chance à la tournée qui s'annonce, même si celle ci débute par un mensonge.
    Le moitié du public arbore au cou une carte avec un code pour télécharger 5 titres du concert de ce soir sur Itunes. Sofia Coppola, enceinte de Thomas Mars et amie de longue date du groupe est là, à quelques semaines du festival de Cannes. Elle pourrait très bien être n'importe quelle petite groupie mais c'est bien elle, elle signe des autographes sur les billets du concert. Elle mâche un chewing gum, elle est vraiment très belle. Elle a joué dans un clip des Chemical Brothers mais tout le monde dans la salle a vu Virgin Suicides et a pleuré en voyant Virgin Suicides. Jérôme lui souhaite bonne chance pour le Festival, moi je la fait rire en répétant les paroles de Phoenix "It's like somebody took my place, i ain't even playing my own game." Elle est accompagnée d'une grande blonde ultra américaine mais cela n'a aucune importance.

    A la radio un producteur fait mon éducation de reggae et je trouve fabuleux qu'en demandant à la collègue de bureau de Jérôme si le film dont l'affiche est posée au mur est un bon film de Wim Wenders elle se lance avec lui dans la filmographie expliquée dudit Wim. Plusieurs fois dans l'après midi je croise cette fille qui veut absolument savoir mon prénom, je lui dis en fumant une cigarette sur la pelouse de "Mangin". Elle me répond par son prénom : Marion. Et c'est décidémment une aprés midi de joie puisque l'émission pour laquelle je travaille joue "Come on let's go" de Broadcast. Il me faudra un jour parler longuement de Broadcast, groupe anglais contemporain de votre existence.

    Le soir j'embrasse Virginie : elle est blonde et on se quitte Boulevard Voltaire parce que j'ai pas du tout supporté qu'elle boive du Get 27 dans l'endroit où nous nous sommes rencontrés. Elle a des talons, un piercing au nombril, de très jolies dents et une twingo verte. Je crois me souvenir qu'elle a cru que je travaillais pour Garance Productions et je pense qu'elle doit faire ca avec pas mal de gars, je veux dire lancer un truc pour faire comme si elle connaissais le milieu et essayer de séduire dans la foulée. Elle n'a pas loin de trente ans, très douce, elle veut un enfant, elle n'a pas besoin de le dire. (radicalisation des extrêmes dans le jeune paysage féminin des années 2000 : violence, drogue, rock'n'roll d'un côté et twingo, get 27, bébé de l'autre, au milieu, le vide sidéral.)


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  • Autres manifestations de plus en plus violentes. La place des Invalides comme un champ de bataille pour de petits groupes rapides, vous avez lu ca dans la presse, pas besoin de le répéter. Un mot sur un mur, avec toujours cette même manière d'écrire, je veux dire dans le style graphique : "Nous sommes tous des casseurs". On dirait vraiment que c'est la même personne qui écrit toutes ces phrases, que c'est la même main qui écrivait en mai 68. C'est frappant. Autre extrait de ce qui s'écrit ces jours ci sur les abris bus et les murs blancs de Paris : "Explorons l'inattendu." Gros coup de com fait par les anarchistes avec le plus bel autocollant du cortège : "Rêve général". Ils ont pris le soin de ne pas signer ceux ci pour qu'il se répande plus facilement dans la foule.

     

    François Hollande arrive vers 18 heures derrière le cordon de CRS, je lui dit où se cache Julien Dray. (Dans l'immeuble Jaques Chaban Delmas au dessus de nous.) Il est un peu perdu, il improvise plutôt bien devant les quelques journalistes et les manifestants qui l'interpellent, évidemment il est très maquillé, certains se moquent. Autour de l'attroupement je commence à parler avec un garçon qui l'insulte de maniére confuse. Il a mon âge et il ne sait pas ce que veut dire "nihiliste", je vous laisse imaginer l'échange en ajoutant simplement que l'adjectif s'adressait à lui. Il me dit que je suis socialiste. Voilà ce que j'aurais du lui dire: "Dans toute haine se cache la dépendance la plus insondable à l'égard de ce dont elle voudrait au fond constamment se rendre indépendante, ce qu'elle ne peut pourtant jamais faire et qu'elle peut toujours d'autant moins qu'elle hait davantage."(Heidegger. Qu'appelle-t-on penser?)

     

    On prevoit avec L. de boire du champagne dans la manifestation de mardi prochain. Elle est très à l'aise, elle tend son micro comme si elle s'adressait à des enfants dans une fête forraine.

     

    La mesure de l'agitation autour de moi, l'étendue de la foule rendent plus profonde et plus nécessaire ma lecture de Heidegger la nuit. Je vérifie ce soir là que tout le bruit de la journée s'appuie sur le silence de 3 heures du matin.

     

    Spectacle d'Omar et Fred à la Grande Comédie, Omar est trois fois plus drôle que Fred.

     

    Le lendemain soirée avec E. dans un appartement où on doit retrouver C., bassiste d'un groupe que je ne peux pas nommer. Il y a là le chanteur espoir de la scène rock, accompagné par la jolie brune qu'il vient de faire entrer dans le Crack. Elle en a perdu la parole, elle s'assoit sur un frigo rouge. Quelqu'un prend des photos de ses talons. C'est un garçon qui a les lèvres si percées qu'on confond de longues minutes avec du rouge à lèvres noir. Sur une étagère tapissée de rouge je fouille dans un petit porte monnaie rose et j'y trouve trois pailles, un billet de dix euros et un de cinquante. Je bois du Chardonnay et je parle avec une fille qui s'appelle Mélody et qui porte comme toutes les filles de la soirée un jean moulant avec un dessin rouge au niveau des fesses. Comme un tatouage externe. Elle tient absolument à ce que je sache que son prénom se termine avec un "Y". E. pose des questions techniques à C. : "Combien d'albums vendus? Qui détient les droits du titre écrit pour Indochine?". Elle fait exactement ce qu'il y a à faire avant d'être ivre. Une vingtaine de personnes sont comédiens ou vont le devenir, cinq ou six autres le prétendent (différence entre ceux qui ont les numéros et ceux qui les cherchent). On donne à E. et à moi un disque d'un groupe nommé "Sugarbeans" (inécoutable, très mauvais Dandy Warhols.) accompagné de cocaïne et de cartons d'invitations rouges pour un concert à la Scène Bastille où il est écrit en très gros caractères "Invitation X 2". N'allez jamais à un concert dont le carton est écrit en anglais si le concert a lieu à Paris et, pire, si le "cost" de l'entrée est de cinq euros. Une fille aux yeux exhorbités me caresse la jambe en me demandant comment faire des voix à la radio, elle a elle aussi une démo dans son sac rouge. Elle dit "je suce mais je veux pas me faire enculer, je veux pas me faire enculer".

     

     


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  • Je la regarde sans arrêt le temps que le train parcoure peut être cinq stations. Elle est avec une amie, elles ont probablement dix sept ans. L et L ramèneraient certainement ce chiffre à une valeur moindre mais qu'importe...Elle me demande mon âge, elle est blonde et grande et boit dans une bouteille en verre Vittel une sorte de mélange rosé : orangina rouge et vodka. (penser à faire l'histoire de la mode des alcools, wiskey dans les années 80, gin et tequila dans les années 90, vodka ces dernières années.) Elle descend déjà, L et L ont l'habitude de mes frasques, j'arrete le procédé ici. Elle sort un cookie qu'elle a cuisiné elle même d'une boîte en plastique et me le tend juste avant de descendre de la rame. Elle dit "voilà".

    Voilà, tout est en place, non? Une superbe jeune fille me donne un cookie dans un métro. C'est aussi simple que ca.

    Interview d'Interpol qui doit faire face aux critiques de ce deuxième album très en dessous du premier. Plusieurs pages sans interet (les trucs habituels, obligé de se justifier sur son statut, toute interview n'étant finalement qu'une réponse à l'eternelle ritournelle journalistique qui sous tend autant de comportements "pourquoi c'est toi qui es artiste et pas moi?") hormis ce passage: "La musique est le seul art qui puisse s'immiscer dans la vie sans qu'on le veuille."


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  • Bu beaucoup de Bordeaux au Sorbon avec à nouveau L et L, on est rejoints par une autre L (oui). Très saouls, on se fait un passage à travers un barrage vers la Sorbonne en présentant des cartes de journalistes qui sont en fait des sortes d'invitations à une soirée privée. Beaucoup restent bloqués devant des CRS comme devant des videurs d'une boîte classique (on apprendra par la suite que ces mêmes CRS laisseront passer tout le monde quelques minutes plus tard, c'est que la soirée ne fait pas recette, il n'y a véritablement que quelques dizaines de manifestants devant l'impressionnante grille crée par la police.)

    Plus tard en rentrant dans le métro par la ligne 2, je survole les stations, je suis littéralement en l'air (à cause du vin) et je vois des affiches rouges d'un dessin Arthur Rimbaud sur les murs et j'ai beaucoup de mal à lier cette image aux évenenements de la semaine. On me repondra que personne ne veut qu'il y ai un rapport, qu'il n'est pas censé y en avoir un. C'est que tout le monde veut que je regarde ces dernières manifestations d'un clin d'oeil, qu'il ne faut pas prendre au sérieux les élucubrations du pervers Arthur qui voulait "changer la vie". Ce n'est pas raisonnable, c'est déplacé. Il est malheureux d'attendre d'un mouvement social un fondement philosophique, un vent de pensée.

    "Nous ne devons pas identifer "cligner de l'oeil" avec simplement "faire un clin d'oeil" pris dans un sens purement extérieur et insignifiant, par lequel on fait entendre dans certaines circonstances qu'au fond l'on ne prend plus au sérieux ce que l'on dit, ce que l'on a projeté, et généralement ce qui se produit. Car "faire un clin d'oeil" ainsi ne peut se généraliser que parce que toute la présentation a déjà en soi le caractère d'un clignement de l'oeil. La représentation adresse et présente, en toute chose, seulement le scintillant, le luisant de l'apparence, qui n'est que surface et facade."                                                                                   Martin Heiddeger


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